Analyse des réponses à nos questions aux candidats aux élections municipales

Juste avant le premier tour des élections nous avons publié sur notre blog, et transmis à toutes les listes candidates aux élections municipales 2020, un ensemble de questions relatives à l’artificialisation des terres agricoles, aux réserves foncières destinées à l’urbanisation, à la précarisation de l’agriculture, à la gestion des friches industrielles et commerciales, ainsi qu’à la participation des citoyens à la prise de décision publique.

Seules 5 listes ont accepté de répondre à nos questions : Brest au cœur, Brest à venir, Brest imaginons demain, Brest la liste citoyenne, et Plougastel à bout de souffle. Nous les en remercions vivement.

Nous revenons dans ce billet sur les réponses apportées à nos questions, sur leurs convergences, leurs divergences et sur les questions qu’elles soulèvent. Et nous y réaffirmons nos demandes !

Des points de convergence

Tous les candidats qui nous ont répondus sont d’accord manifestement sur le respect ou la mise en œuvre des grands principes désormais promus par la législation : modération de la consommation de terres agricoles et sobriété foncière, rénovation énergétique, gestion zéro phyto des espaces publics, la restauration des continuités écologiques et notamment des zones humides.

L’ensemble de nos 5 candidats se prononce en faveur d’un renouvellement urbain, visant à la fois à densifier et à désimperméabiliser et à « renaturer » la ville, que ce soit par la végétalisation des toitures et des façades, la création d’îlots de verdure, etc.

L’accompagnement de l’agriculture locale, et la promotion de l’agriculture biologique – et innovante – sont également annoncés par les 5 candidats, notamment à travers la promotion de la part des produits bio et locaux dans les cantines scolaires, et par le développement des animations pédagogiques autour de l’alimentation (plan alimentaire de territoire, maisons de l’alimentation durable) et de l’agriculture.

Des niveaux de réponse variés

Tous s’accordent également sur la nécessité d’accroître la place des citoyens dans les prises de décision. Mais les niveaux d’engagement varient sensiblement. Tel qu’évoquée, l’implication des citoyens dans la prise de décision est conçue de manière consultative et relativement limitée, conformément à sa mise en œuvre actuelle. D’autre listes envisagent une réorganisation de la prise de décision collective, au travers de structures existantes (comités de quartiers) ou à créer (conseils citoyens), ainsi que par des pétitions citoyennes, destinées à alimenter les orientations des politiques municipales.

Concernant l’artificialisation, des divergences s’expriment entre ceux qui envisagent la poursuite des projets urbains actuels, en se contentant de vouloir respecter les textes et règlements en vigueurs sans en détourner les objectifs (ce qui est déjà louable…), ou bien de renvoyer la réflexion à la COP26 et à la prochaine révision du PLU (2024…).

D’autre candidats proposent en revanche de réfléchir à d’autres priorités d’aménagement en stoppant dès à présent l’artificialisation par un moratoire permettant de remettre en question tous les projets d’artificialisation des terres agricoles et des espaces naturels, notamment pour préserver ou restaurer leur potentiel agronomique, ou par l’abandon pur et simple de certains grands projets inutiles tel que le « grand » stade de football, la Voie de Liaison Nord (VLN) par la vallée du Restic, ou l’extension des zones commerciales périphériques.

Si la promotion d’une agriculture locale et bio figure dans toutes les annonces, les principes de mise en œuvre sont divers. La promotion de l’agriculture repose sur le développement d’exploitations innovantes (par exemple de cultures de champignon en sous-sol…), sur la création d’une ferme urbaine pédagogique, sur le maintien des exploitations existantes ou sur le soutien aux installations de jeunes. Certains proposent même de créer une régie agricole permettant d’user du droit de préemption municipal pour racheter des parcelles, qui seront ensuite cultivées par des fonctionnaires !

Des points de désaccord

A travers ces différentes conceptions, c’est bien la sécurisation à long terme de l’activité agricole brestoise qui est questionnée. Or, le devenir et la mise à disposition de terres agricoles se conçoit actuellement dans le cadre des réserves foncières destinées à plus ou moins long terme à l’urbanisation (pour « lutter contre la friche »…), mais pas systématiquement dans le cadre d’une sécurisation foncière de l’activité agricole. A l’inverse, certains candidats proposent une sanctuarisation des terres arables à travers la mise en place de Zones agricoles protégées (ZAP) et d’un programme d’acquisition foncière associé à des baux agricoles à long terme. La valeur du foncier agricole y est reconnue, comme d’ailleurs l’agriculteur, comme acteur économique ce qui permet de dépasser la seule valorisation par le m2 constructible et la tertiarisation.

Un autre point de désaccord, un peu plus éloigné de notre sujet de préoccupations (quoique !) concerne la vocation du port de commerce. Le « port de co’ » est en effet conçu comme un espace de développement urbain pour les uns, alors que d’autre préconisent plutôt de réinvestir massivement dans son développement industriel et maritime. D’autre encore le voient condamné, à relativement court terme, par l’élévation du niveau marin ! A travers cet exemple, c’est bien la question des friches urbaines et des locaux vacants ou abandonnés qui se pose, au port, comme dans d’autres secteurs de Brest.

Chiffres à l’appui, il nous a été démontré que la vacance des logements n’est pas plus forte à Brest que dans d’autre ville comparables et qu’elle correspond au fonctionnement normal du marché de l’immobilier. L’étalement urbain dans le Pays de Brest serait donc principalement le fait des communes en dehors de BMO. Cela pose question quand est avancé dans le SCOT du Pays de Brest le principe d’équilibre, de cohérence et de solidarité entre communes. Est-ce qu’au final chacune ne ferait-elle pas comme elle veut suivant ses projets individuels ?

Peut-être, mais qu’en est-il des locaux professionnels ? Quel est leur taux de vacances ? Les m2 de locaux et les hectares de terrains industriels, commerciaux et militaires ne manquent pas à Brest comme en témoigne la prise en compte de cette question par plusieurs listes. Un état des lieux des friches, un diagnostic des terres agricoles, de leurs potentialités écologiques et agronomiques annoncés par certains et souhaités par d’autre posent clairement la question de l’accès à cette information stratégique et surtout publique, pour éclairer la lanterne des citoyens.

La prise en compte de la biodiversité dans la gestion du foncier et l’aménagement

La gestion des espaces publics sans phyto, la restauration des continuités écologiques, la restauration des zones humides c’est très bien. Mais c’est insuffisant, comme nous le montre de manière de plus en plus pressante une actualité qui nous impacte chaque jour davantage.

Comment comptez-vous intégrer réellement la biodiversité dans toutes les opérations d’aménagement en la considérant de façon transversale ?

Par exemple,

– Comment peuvent se produire les pollutions aux macrodéchets plastiques et polystyrènes pulvérisés aux abords de chantiers de rénovation énergétique (cf. photos et courrier adressés par Bretagne Vivante à la collectivité et réponse reçue). S’agit-il de malveillance (ce que l’on n’espère pas) ou plutôt de négligence, d’ignorance et de maladresse ? Quoiqu’il en soit, ce n’est plus acceptable ! Il est temps que ceux et celles qui se proposent de piloter une collectivité agissent et réagissent en accord avec leurs annonces, souvent vertueuses, initiales.

– Comment peut-on engager la consommation effrénée de terrains pour de la voirie (VLN par la vallée du Restic), pour des grandes surfaces commerciales en périphérie des centre-ville, ou pour des équipements privés de loisir (stade de football au Froutven). Ce n’est plus soutenable ! Et ce n’est pas acceptable lorsque l’on prôné la sobriété foncière…

Comme tous les projets politiques proposés vont (ou devraient) se construire sur des données objectives collectées sur le territoire, nous demandons l’ouverture à tous de l’accès aux diagnostics réalisés par la collectivité, sous forme de données brutes et sous forme cartographique détaillée, afin que chaque citoyen puisse connaître les réponses à des questions simples : combien de locaux commerciaux sont vacants à Brest (185 dans le seul quartier Jaurès selon nos propres investigations… combien à l’échelle de BMO) ? Depuis quelle date ? Quelle est la part du foncier réservé à l’urbanisation (cf. carte publiée dans notre blog ici ) ? En contrepartie, quelle part reste dévolue à l’agriculture ? Les surfaces restantes sont-elles compatibles avec un projet d’autonomie alimentaire à l’échelle locale ? Bref, tout un ensemble d’éléments qui permettent de se faire une idée de l’avenir.