Compensations “piège à C—?”

LA VERTU …

Dès 1976, la Loi a prévu de compensations lorsqu’un aménageur impactait un milieu naturel.  La Loi relative à la conservation de la nature n° 76-629 du 10 Juillet 1976 édictait les premières règles en stipulant :“le contenu de l’étude de l’impact, comprend, au minimum, une analyse de l’état initial du site et de son environnement, l’étude des modifications que le projet y engendrerait et les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, SI POSSIBLE, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement”.

Le “SI POSSIBLE” a fait que la Loi n’a pas été appliquée pendant des décennies…

En 2008, on met en place une nouvelle approche nommée “réserve d’actifs naturels” (RAN) pour montrer que la nature a de la valeur et que sa destruction devait être évitée, réduite, réparée.

La RAN de Cossure dans la Crau (cf : Le courrier de la nature n° 293 -p. 42 à 45) a été la première à être créée en réhabilitant 357 hectares pour permettre l’accueil d’oiseaux steppiques et en expérimentant la réfection de référence. Cette RAN, initiée par la Caisse des Dépôts et Consignations (C DC), a ainsi ouvert ” C DC biodiversité “, en accord avec le Ministère de l’Ecologie (ainsi que FNE).

La pérennité des mesures correspond à un double engagement de C DC biodiversité : l’un porte sur le contenu (financier) et la durée (30 ans) des actions de réhabilitations ; le second est de maintenir, au-delà des 30 ans et sans limitation de durée, la vocation écologique du site.

Le bilan, établi à partir des suivis scientifiques, est encourageant 6 ans après les travaux. Les principales espèces visées (Ganga cata, Œdicnème criard, Outarde canepetière…) sont revenues.

Le bilan et la capitalisation de ces expériences est indispensable et, pour ce faire, des outils complémentaires sont nécessaires, notamment le registre national prévu par la Loi biodiversité. “L’application de la Loi repose sur le contrôle exercé par l’Etat. La compensation permet de réparer « le  moins mal possible » les impacts des aménagements et, en rendant cette réparation coûteuse, incite les aménageurs à modérer les impacts, voire, comme cela a été constaté à plusieurs reprises par C DC biodiversité, à les dissuader de réaliser l’aménagement”.

La pérennité des mesures correspond à un double engagement de C DC biodiversité : l’un porte sur le contenu (financier) et la durée (30 ans) des actions de réhabilitations ; le second est de maintenir, au-delà des 30 ans et sans limitation de durée, la vocation écologique du site.

Le bilan, établi à partir des suivis scientifiques, est encourageant 6 ans après les travaux. Les principales espèces visées (Ganga cata, Œdicnème criard, Outarde canepetière…) sont revenues.

Le bilan et la capitalisation de ces expériences est indispensable et, pour ce faire, des outils complémentaires sont nécessaires, notamment le registre national prévu par la Loi biodiversité. “L’application de la Loi repose sur le contrôle exercé par l’Etat. La compensation permet de réparer « le  moins mal possible » les impacts des aménagements et, en rendant cette réparation coûteuse, incite les aménageurs à modérer les impacts, voire, comme cela a été constaté à plusieurs reprises par C DC biodiversité, à les dissuader de réaliser l’aménagement”.

… ET LE VICE

Cependant les “naturalistes en lutte ” de Notre Dame des Landes sont plus circonspects et notent les limites des mesures compensatoires. (cf : n° 213 de Penn Ar Bed )

En premier lieu, les “MESURES TECHNIQUES” se traduisent par un état des lieux tronqué : surfaces touchées sous-estimées, zones humides mal caractérisées, prospection insuffisante, espèces oubliées, ainsi qu’une dimension négligée : l’humain, et sa place dans les écosystèmes (avec la grande biodiversité présente dans les agrosystèmes).

En second lieu, ” UNE METHODOLOGIE DE COMPENSATION AU RABAIS” procédant par des coefficients de “transaction” non validés scientifiquement et imposés par le porteur du projet, par une vente ” à la découpe” (des découpages à contresens de l’approche fonctionnelle, pourtant mise en avant).

Ensuite, ” QUELLES GARANTIES ? COMPENSER OÙ ? COMMENT ? ET POUR COMBIEN DE TEMPS ?

Les auteurs concluent “De façon générale, le principe même des mesures compensatoires s’appuie sur une conception réductionniste des écosystèmes et ne prend pas en compte la notion d’interactions pourtant fondamentales en écologie…”.

En pratique, “on remplace des fonctions rares et irremplaçables en tête de bassin versant par des fonctions plus ordinaires et faciles à produire par l’ingénierie écologique, plus en aval et dans des zones agricoles déjà plus ou moins ( ?) artificialisées”.

“Il est vraisemblable que l’évaluation précise et rigoureuse d’un écosystème à compenser ne ferait qu’augmenter la probabilité de révéler, par la suite, l’imprécision, l’échec potentiel et, sans doute, l’incapacité technique de la compensation à venir” (cf. Quétier et Lavorels 2011, Robertson 2004, Watker et al. 2009).

ERC = C, la formule magique des aménageurs

“Les efforts à fournir pour une compensation « équivalente », de façon générale, et, au vu des expériences passées, indiquent que l’obtention de compensations équivalentes est très longues à atteindre et peut se compter en centaines plutôt qu’en dizaines d’années” (Burgier 2008; Woodcock et al. 2011).

Le plus simple serait de reconnaitre clairement que la restauration d’un écosystème à l’identique relève du “mythe” et que cela implique de privilégier fortement les phases d’évitement et de réduction de la séquence ERC (éviter, réduire, compenser).

La destruction occasionne une perte de nature immédiate et certaine, tandis que la compensation ne se fait que de façon différée dans le temps et sans garantie véritable quant à sa pérennité.

Par exemple à Notre Dame des Landes, une véritable compensation sans perte nette aurait impliqué de restaurer 1600 hectares de zones humides d’un seul tenant dans une zone d’agriculture intensive se situant de la même façon à la jonction de deux bassins versants importants. Or, le projet proposé par le porteur s’apparente à un droit à détruire car il est composé par pièces détachées (dans des bassins versants qui ne sont pas connectés), par fragments de fonctions, par des “améliorations” de zones humides en aval du bassin versant, sachant que le rôle majeur (hydrologique, épurateur, biodiversité) est en amont, à la jonction de deux bassins.

Dans le numéro 307 du Courrier de la Nature, trois auteurs dénoncent en outre que la doctrine ERC s’affranchit des questions de fond comme le déplacement des espèces et, rarement évoqué, l’aspect ETHIQUE de la politique dite de compensation.

Pour ces auteurs, “détruire les espaces, déplacer des individus ou perturber durablement des écosystèmes s’avèrent une atteinte à nous-mêmes. Dans l’état actuel, la doctrine ERC nie la valeur de cette interrelation du vivant en le plaçant comme entité malléable à merci”. “Notre choix de société préfère l’accompagnement de la destruction à l’harmonie. Nous avons progressivement glissé d’une approche de protection, vers une vision de conservation, en nous considérant systématiquement à l’extérieur de ce système, en nous considérant comme bien supérieurs. Bien loin de ces civilisations amérindiennes, comme bien d’autres, qui ignorent le concept même de nature, les animaux et les plantes étant considérés comme des personnes”.

Mathématiquement, au rythme de nos aménagements, nous finirons par ne plus savoir où mettre ces espèces ! Nous faisons fi des relations entre les espèces et leur milieu.
Les notions de fonctionnalité sont réduites à un comptage d’unités, la doctrine ERC se résume de plus en plus au C de la compensation, nouvelle vague de financiarisation en cours avec les réserves d’actifs naturels et ses opérateurs de compensation. Il est possible d’acheter de la “biodiversité” quelque part pour détruire ailleurs.

Voici les nouveaux visages du développement durable, qui jugulent les velléités de mise en défens, tout en déplaçant les problèmes et les espèces.

Alors, « Compensation, piège à C… » ?… sans doute que oui.

Références

  • Penn ar Bed n°213, mai 2013, Spécial Notre Dame des Landes, Première partie : La dérive des mesures compensatoires
  • QUÉTIER F. 2012 – La compensation écologique. Regards croisés sur la biodiversité. Société Française d’Écologie, Regards et Débats R34, article en ligne :  http://www.sfecologie.org/regards/2012/07/03/r34-f-quetier/.
  • QUÉTIER F. & LAVOREL S. 2011 – Assessing ecological equivalence in biodiversity offset schemes: Key issues and solutions. Biological Conservation, 144, pp. 2991-2999.
  • Robertson 2004 : ROBERTSON M. M. 2004 – The neoliberalization of ecosystem services: wetland mitigation banking and problems in environmental governance. Geoforum, 35, pp. 361-373.
  • Watker et al. 2009 : WALKER S., BROWER A. L., STEPHENS R. T.T. & LEE W. G. 2009 – Why bartering biodiversity fails. Conservation Letters, 2, pp. 149-157.
  • Burgier 2008 : BURGIN S. 2008 – BioBanking: an environmental scientist’s view of the role of biodiversity banking offsets in conservation. Biodiversity and Conservation, 17, pp. 807-816.
  • Woodcock et al. 2011 : WOODCOCK B. A., MCDONALD A. W. & PYWELL R. F. 2011 – Can long-term floodplain meadow recreation replicate species composition and functional characteristics of target grasslands? Journal of Applied Ecology, 48, pp. 1070-1078.